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L’importance méconnue du mauvais œil dans le football (al’ayn)

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Comme je l’ai déjà expliqué, je crois au mauvais œil, al’ayn en arabe. Et Dieu merci, je suis loin d’être le seul. Aujourd’hui, presque tous les français y croient, à l’exception de savants exigeants solitaires, comme MAL, ou de fous dangereux inconscients, malheureusement encore assez nombreux.

Mais cette adhésion à l’évidence est récente. Un vieux fonds cartésien a interdit longtemps à ce concept, pourtant essentiel, d’être pris en compte. Et ce mépris pour l’œil a entraîné pas mal de défaites françaises. C’est bien triste.

Pourtant, la sagesse populaire le sait. Ne dit-on pas : « il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué » ? Les avocats eux-mêmes, à propos de contrats importants, n’expliquent-ils pas : « tant que ce n’est pas signé, ce n’est pas signé » ?

Une bonne gestion du mauvais œil est essentielle en sport comme dans la vie. D’un bébé, on doit dire qu’il est laid, d’un match que l’on mène 5-0, que « rien n’est fait », jamais on ne doit prendre le risque d’attirer à soi le souffle diabolique du mauvais œil.

L’histoire de l’équipe de France expliquée par l’œil

Quand on mène 3-1 à 20 minutes de la fin des prolongations, en demi-finale contre l’Allemagne, on se tait.

Malheureusement, en 1982, les commentateurs n’étaient pas formés au mauvais œil.

En prolongations, Marius Trésor venait de donner un premier avantage à la France d’une reprise de volée merveilleuse, lorsqu’Alain Giresse marqua d’un poteau rentrant, sur une passe de Didier Six. C’est alors que se produisit l’irréparable. Juste après le but de Giresse, Thierry Roland osa dire en direct cette phrase criminelle : « 3 buts à 1, neuvième minute de la prolongation, et les français qui sont pratiquement en finale de la coupe du monde. Extraordinaire dénouement ici à Séville ». (Il s’agit bien de la transcription mot pour mot, j’ai revu le DVD du match pour cela). Voilà pourquoi nous perdîmes finalement ce match aux tirs aux buts.

Aucune leçon n’a été tirée. Au contraire, on a longtemps trouvé d’autres causes à la défaite : l’arbitrage de M. Corver, l’agression sur Battiston, le manque d’expérience tactique des français ou la jeunesse de Manuel Amoros, qui joue le ballon au lieu de jouer l’homme, sur le troisième but allemand. Toutes ces explications sont évidemment vaines et fausses. C’est l’œil que nous nous sommes portés, et singulièrement le commentaire tellement inconscient et dangereux de Thierry Roland, qui nous a éliminés le 8 juillet 1982 à Séville.

L’Amérique, je veux l’avoir, mais comme je me suis porté l’œil, je ne l’aurai jamais

Et on a continué à faire n’importe quoi. Tout le monde sait que des fous inconscients avaient prévu de faire jouer « l’Amérique » de Joe Dassin, à la fin de France-Israël, match qualificatif pour la coupe du monde aux Etats-Unis, en 1993, et avaient réservé, avant le match, champagne et boite de nuit, pour fêter la qualification française. Une faute absurde, un mépris pour l’œil aux conséquences lamentables que l’on sait : la France incapable de prendre le moindre point au Parc des Princes en deux matchs contre Israël et la Bulgarie, des buts adverses invraisemblables.

Si nous avions eu ce symbole sur le maillot à la place du coq, nous aurions gagné les coupes du monde 1982, 1986 et 1994

Pour la coupe du monde 1998, heureusement, une formation accélérée des journalistes et des cadres de la Fédération Française de Football fut organisée, avec notamment la participation de Luc Dayan, grand spécialiste de la gestion de l’œil, conduisant directement au titre de champion du monde. Nous en parlerons en fin d’article.

En 2000, les italiens ont commis l’erreur de se lever de leur banc quelques minutes avant la fin de la finale de l’Euro, joyeux, alors qu’ils menaient 1 à 0. Une faute contre l’œil, qui entraîna le but de Wiltord dans les arrêts de jeu, puis celui en or de Trézéguet.

Malheureusement, dans l’euphorie qui suivit ce double titre de champion du monde et d’Europe, les leçons de la formation anti-œil de 1998 furent perdues de nouveau, et on laissa Adidas diffuser une photo d’un maillot français avec une deuxième étoile de champion du monde avant la coupe du monde 2002 ! C’était évidemment un immense crime contre l’œil, et à partir de ce moment, nous fumes nombreux à conseiller aux bleus de déclarer forfait et de ne même pas se rendre en Corée, puisque cela devenait inutile, ils ne pouvaient que perdre de façon ridicule. Ils ne nous ont pas écoutés, et ont bien entendu été éliminés dès les poules avec un nul, deux défaites et aucun but marqué.

Avant la coupe du monde 2002. Sérieusement ? Vous n’avez jamais entendu parler de l’œil les gars ?

La France championne du monde 1998 grâce à une bonne gestion de l’œil

En 1998, enfin, tout fut mis en œuvre pour combattre le mauvais œil. Khamsa!

Aimé Jacquet décida de se donner un maximum de chances de perdre en ne sélectionnant pas les deux meilleurs joueurs français, Cantona et Ginola. L’équipe de France fit de mauvais matchs de préparation. La presse tira à boulets rouges sur les bleus. L’Equipe expliqua qu’avec un entraîneur comme Aimé Jacquet, on n’avait aucune chance de gagner. C’était évidemment la bonne stratégie. A tout moment, tout le monde fut persuadé que la France allait perdre. Idéal pour lutter contre le mauvais œil.

Pendant les mois précédant la coupe du monde, on expliqua que Dugarry n’avait pas le niveau, que sa présence dans la liste n’était due qu’à son amitié avec Zizou. Le résultat est connu : quelques minutes après son entrée en jeu dans le premier match contre l’Afrique du Sude, à la place de Guivarch’, blessé, il marqua un fabuleux but de la tête qui débloqua un match qui devenait crispant, et lança la France.

Dugarry célèbre le premier but français en 1998, avec Djorkaeff, Desailly, Henry, Thuram et Lizarazu

Rappelons-nous le huitième de finale contre le Paraguay : tout au long du match, nous étions tous persuadés que le Paraguay allait gagner aux tirs aux buts, grâce à son gardien Chilavert. Les joueurs eux-mêmes semblaient certains de l’issue fatale. C’était évidemment la meilleure tactique pour ne pas se porter l’œil. D’où le but en or de Blanc. Qui, comme par hasard, portait le numéro… 5! Le chiffre qui éloigne le mauvais œil.

But en or contre le Paraguay : 5 sur Blanc!

La finale France-Brésil 1998

On l’a oublié, mais avant la finale, les amateurs de football pensaient que la France était inférieure au Brésil. Roberto Carlos nous faisait peur. Ronaldo était encensé. Ces louanges sur Ronaldo lui ont porté l’œil : il a eu un malaise et est arrivé diminué, on l’a appris après le match. Nous pensions perdre et c’était une bonne chose : cela éloignait le mauvais œil.

Mais il y avait un danger : la finale de la coupe du monde était un évènement bien au-delà du petit cercle des amateurs de football. Le grand public était inconscient de l’histoire du football français, il risquait de nous porter l’œil et de nous faire perdre en croyant à la victoire.

Il se trouve que j’ai eu la chance d’être dans les tribunes du stade de France le 12 juillet 1998. Je peux témoigner que la plupart des gens assistaient à un match de football pour la première fois de leur vie. Ils avaient été invités par des entreprises.

Le grand groupe français pour lequel je travaillais m’avait autorisé à inviter dix clients, en me demandant de privilégier des cadres dirigeants et décisionnaires. Je n’avais réussi à trouver, malgré mes efforts, qu’un seul connaisseur de football parmi mes invités, puisque, nos lecteurs le savent bien, les français sont un des peuples les plus footballophobes. Les autres me disaient « ah, oui, la finale de la coupe du monde ? Humm, il faut voir si je ne vais pas à la campagne ce week-end là », ou bien « merci, je viendrais avec plaisir, mais vous m’expliquerez les règles, parce que vous savez, moi, le football… ».

Nous étions donc très minoritaires à trembler, vibrer, nous pincer. « J’assiste à la finale de la coupe du monde, en France, et c’est France – Brésil, je ne rêve pas, après ça je peux mourir ».

La plupart des gens disaient :

« Tiens c’est sympa un match de foot, je ne connaissais pas. Ah bon, vous aimez le football ? Comme c’est étonnant. Vous avez l’air d’un garçon intelligent pourtant.»

J’ai même entendu :

« Que l’on gagne ou perde, au fond, quelle importance ? Ce n’est qu’un match ! » Je n’invente rien.

A la mi-temps, alors que nous menions 2-0, Zizou ayant eu la bonne idée de traîner au premier poteau, les gens étaient décontractés, d’autant plus légers que l’importance historique de l’enjeu ne les effleurait même pas. « C’est sympa, on va gagner ».

12 juillet 98 : « touristes » inconscients de leur chance et de l’enjeu

Quant à moi, au contraire, j’étais plus stressé que lorsque j’ai essayé, vainement, d’embrasser ma première fille, à l’âge de vingt six ans, et je me suis demandé : « Qu’est-ce que je peux faire pour aider Desailly, Blanc et les autres ? »

Alors, je jure que c’est vrai, j’ai eu une idée. J’ai passé la mi-temps à parcourir toute la tribune et à m’adresser à des gens que je ne connaissais pas, qui me prenaient (à tort, faut-il le préciser ?) pour un fou, et à leur dire :

« Taisez-vous, on va perdre, vous entendez, perdre ? ».

Ils ne connaissaient pas le concept du mauvais œil, ne savaient pas que l’on menait 3-1 à 20 minutes de la fin en 1982, à Séville, et que l’on avait dit à ce moment-là : « On va gagner ». Ils ne tiraient donc aucune leçon de l’Histoire, et faisaient prendre des risques immenses à la bande à Deschamps et Zidane avec leurs : « Super, on va gagner ».

Des gens comme moi, traumatisés, il n’y en avait pas plus d’une poignée par tribune. Les autres, des touristes, qui auraient aussi bien pu être au Crazy Horse ce soir là. Nous, les rares vrais, nous n’avions qu’un objectif, éviter un second Séville. Car c’est comme une opération à cœur ouvert, on peut en supporter une dans une vie, mais pas deux*. Nous étions d’accord pour perdre 6-0 contre le Brésil, pas de problème, mais pitié, pas un nouveau scénario à la Séville. Et là, nous menions de deux buts à la mi-temps. Tout recommençait. La peur au ventre, nous répétions en boucle « Taisez-vous, on va perdre, on va perdre ».

Je suis certain que nous étions nombreux à aider ainsi l’équipe de France en éloignant l’œil.

Thierry Roland, pour sa part, traumatisé par sa responsabilité dans l’élimination de Séville seize ans plus tôt, a été absolument brillant et s’est totalement racheté. Avec Jean-Michel Larqué, ils ont cette fois parfaitement joué leur rôle. Lorsque j’ai revu le match à la télévision, j’ai constaté qu’ils ont attendu la 92ème minute et le troisième but de Petit pour dire que, là, sans doute, nous avions gagné. Avant, ils n’ont pas bronché. Ils connaissaient la force de l’œil. Comme l’a très bien dit Thierry Roland, « après ça on peut mourir tranquille ». Et nous savons qu’il est maintenant heureux et la conscience tranquille, là haut dans le ciel.

Thierry, Jean-Michel, merci, la coupe du monde 98 c’est grâce à votre excellente gestion de l’œil

France 1998, championne du monde de l’œil

Je l’écris comme je le pense : la victoire de la France en 1998 doit bien plus à une bonne gestion de l’œil, et donc à Roland et Larqué, qu’aux joueurs et à Aimé Jacquet, dont le rôle a somme toute été très mineur. Avec une telle gestion de l’œil, n’importe quelle équipe de vétérans amateurs aurait probablement été sacrée championne du monde.

Car si, comme le dit Joe Dassin, l’amour ne « va pas changer le monde », l’œil, au contraire, peut modifier nos vies en profondeur, pour le meilleur, parfois, mais surtout pour le pire, si nous n’y prenons pas garde.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

*Un ami chirurgien me dit que scientifiquement, on peut, en fait, supporter plusieurs opérations à cœur ouvert dans une vie, mais pas plusieurs Séville.


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